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«ALBARCAS» á Cantabria

Au fil du temps, le port des albarcas a toujours été très pratique dans une région humide et pluvieuse comme la Cantabrie.

Dans nos posts précédents, nous vous avons déjà beaucoup parlé de la beauté de notre mer, de nos vertes prairies et de notre gastronomie extraordinaire. Mais s’il y a quelque chose dont nous pouvons être fiers dans notre Cantabrie Infinie, ce sont bien nos traditions profondément ancrées qui, comme signe d’identité de notre terroir, parviennent à survivre dans un monde majoritairement technologique. Voilà pourquoi nous parlerons aujourd’hui de l’une de nos traditions les plus visuelles, mais plutôt méconnues. Aujourd’hui, nous dédierons ce post à nos albarcas : des sabots rustiques, particuliers, un signe d’identité de notre région, taillés en bois d’une seule pièce, conjuguant côté pratique et beauté.

Au fil du temps, le port des albarcas a toujours été très pratique dans une région humide et pluvieuse comme la Cantabrie. Leur utilisation est très appropriée si l’on souhaite tenir les pieds à l’abri de l’eau et de la saleté du sol, et notamment pour les tâches habituelles des éleveurs de bétail et des agriculteurs. Ils sont pratiques pour marcher sur des terrains irréguliers, dans la boue, mais aussi dans la neige, grâce au fait que les « tarugos », terme employé pour désigner les crampons inférieurs de ces sabots, permettent de tenir les pieds surélevés et assurent une certaine agilité dans la marche. Comme on les utilisait de façon continue, il était habituel d’avoir une paire d’albarcas pour le quotidien et une autre plus neuve et plus jolie pour les jours fériés.

Personne ne sait à quelle époque on a commencé à utiliser ces sabots, mais dans un document de 1657, date à laquelle le roi Philippe IV avait fait appel au Pape pour la création de la Diocèse de Santander, les albarcas y sont déjà citées. Beaucoup plus tard, un écrivain cantabre, Manuel Llano, détailla la variété d’albarcas dans son ouvrage « Brañaflor » (1931).

En fait, ces véritables œuvres d’art n’existeraient pas sans le travail de l’albarquero, celui de toute la vie. Ces artisans du bois s’occupent de la conception et de la fabrication de ces sabots. Ce sont des artistes qui ne cachent pas leur art et qui le montrent dans les foires de la région pour que tout le monde puisse connaitre un métier qu’il ne faut pas oublier. C’est un métier d’autrefois qui exige un savoir-faire et une habileté particulière que très peu ont pu hériter de leurs parents et grands-parents. De plus, ces sabots en bois ont leur propre argot, qui s’est transmis de génération en génération pendant des centaines d’années. Par exemple, pour désigner les différentes parties de l’albarca on utilise jusqu’à neuf termes qu’il est important de connaître. La partie supérieure avant s’appelle « pico » ; la courbe frontale est le « papo » ; la « capilla » correspond à la zone supérieure avant qui couvre les orteils ; et la « boca » est l’ouverture de l’albarca par où l’on introduit le pied. Le « flequillo » est la feuillure qui borde la « boca » sur le haut ; la cavité intérieure qui abrite le pied est dénommée « casa » ; et le « calcañar » est la partie arrière. Les « pies » sont les trois ou quatre crampons inférieurs sur lesquels on met les « tarugos », un supplément en bois que l’on met sur les « pies » de l’albarca et que l’on remplace quand ils sont usés.

En quoi consiste le processus de fabrication des albarcas ?

Pour transformer le bois en œuvre d’art, il faut d’abord façonner la pièce pour qu’elle ait une silhouette semblable à celle de l’albarca à l’aide d’une hache, puis on conçoit la semelle. Cet outil permet de faire une espèce d’esquisse. L’étape suivante consiste à « azolar », c’est-à-dire, à modeler l’albarca de façon plus précise avec un outil dénommé « azuela ». Ensuite, c’est le moment de créer la « casa », l’espace destiné à accueillir le pied, à l’aide de tarières et d’une curette. Enfin, on égalise la surface extérieure avec la « resoria », une lame en acier avec deux poignées latérales, que certains réalisent à partir d’une vieille faux. On utilise également un couteau et pour finir, on ponce le tout et on applique du vernis.

Une fois ce processus complexe terminé, c’est le moment du design, la seule partie qui admet une dose d’innovation. Des fleurs, des feuilles, des coquillages, des encoches, des formes géométriques… chaque fabricant d’albarcas a ses propres modèles et ses propres designs, et ici, l’imagination joue aussi un rôle central.

Les albarcas masculines se distinguent des féminines non seulement par leur taille, mais également par leur forme et leur décoration, celles pour femmes étant plus délicates alors que celles pour hommes sont plus grossières. Dans le passé, il y avait différentes couleurs, le noir étant réservé aux prêtres et aux veuves, et le brun à tous les autres. Pour leur donner de la couleur, on utilisait du lait de vaches qui venaient d’accoucher et les sabots étaient noircis à la flamme.

Leur région d’origine permet aussi de distinguer les albarcas dans différents détails. On trouve des « bociconas », des « carmoniegas » (de Carmona), des albarcas à boucle, avec le « pico » mi-clos (typiques de Campoo), des « mochas », des « piconas » et bien plus encore.

La tradition de ces sabots persiste dans notre terroir grâce au travail des artisans, des groupes culturels et du folklore, mais aussi grâce aux fêtes populaires où les albarcas jouent un rôle central. La Cantabrie, bien plus à découvrir.

31/03/2023